Les chiens ont-ils des droits (légalement) ?

chien droits
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Au 17ème siècle, RenĂ© Descartes exposait sa thèse selon laquelle les animaux seraient des machines, des assemblages de pièces et de rouages dĂ©nuĂ©s de sensibilitĂ©, de conscience et de pensĂ©e. Presque 400 ans plus tard, avons-nous un peu Ă©voluĂ© ? Comment la justice traite-t-elle les chiens ? OĂą en sont leurs droits ? Le chien, l’homme et la loi : une triade aux relations tumultueuses…

La petite histoire : avant 2015, le chien était un « meuble » aux yeux de la loi

Le Code civil napolĂ©onien a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 1804. Ă€ l’origine, il ne contenait aucune règle concernant la protection des animaux. Au cours des nombreuses annĂ©es qui nous en sĂ©parent, il y a eu 7 Ă©tapes clĂ©s en matière de droit des chiens.

1850 : « Cachez cette souffrance que je ne saurais voir »

Le Code pĂ©nal se rĂ©veille en 1850 : la loi Grammont est votĂ©e. Elle punit les mauvais traitements envers les animaux domestiques… lorsqu’ils sont effectuĂ©s en public. Cela signifie qu’on pouvait continuer Ă  maltraiter son chien du moment qu’on le faisait chez soi. Au bout du compte, cette loi n’avait pas pour but de protĂ©ger les chiens, elle visait simplement Ă  protĂ©ger la sensibilitĂ© humaine face au spectacle de la souffrance canine.

1959 : les prémices de la protection animale

La loi Grammont est abrogĂ©e et remplacĂ©e par le dĂ©cret Michelet. Il stipule que les animaux domestiques ne doivent pas subir de sĂ©vices ni en public ni en privĂ©. C’est le premier texte fondateur en matière de protection animale. Le chien y est enfin protĂ©gĂ© pour lui-mĂŞme.

chien dans les bras
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1963 : crĂ©ation du dĂ©lit d’acte de cruautĂ© envers les animaux

Avant cela, les punitions n’Ă©taient que des contraventions (ex : ce qu’on reçoit quand on est mal garĂ© de nos jours). Avec cette loi, les sĂ©vices animales sont devenus des dĂ©lits (ex : comme le vol). Il va sans dire que les peines encourues sont bien plus sĂ©vères. La loi prĂ©voit jusqu’Ă  2 ans de prison et une amende de 30 000 euros.

Toutefois, en pratique, les sanctions sont bien plus faibles en gĂ©nĂ©ral. Beaucoup de magistrats considèrent encore l’animal comme une chose. De plus, cette loi ne concerne que les animaux domestiques, apprivoisĂ©s ou gardĂ©s en captivitĂ©.

1976 : l’animal est « un ĂŞtre sensible »

C’est au tour du Code rural de se rĂ©veiller. On y vote une loi stipulant que l’animal est « un ĂŞtre sensible » (c’est la toute première fois que la justice le reconnaĂ®t) et que son propriĂ©taire doit lui fournir « des conditions compatibles avec ses impĂ©ratifs biologiques ». En d’autres mots : il ne doit pas ĂŞtre maltraitĂ©.

1978 : la dĂ©claration universelle des droits de l’animal

Cette dĂ©claration a Ă©tĂ© proclamĂ©e solennellement le 15 octobre 1978 par la maison de l’UNESCO. Il s’agit surtout d’une prise de position philosophique car elle n’a aucune valeur juridique. Elle permet tout de mĂŞme d’Ă©tablir des idĂ©aux sur les rapports qui devraient s’instaurer entre l’espèce humaine et les autres espèces animales.

On y retrouve des notions intĂ©ressantes telles que « tous les animaux naissent Ă©gaux devant la vie et ont les mĂŞmes droits Ă  l’existence »  ou « toute vie animale a droit au respect ».

1997 : l’Europe s’exprime enfin

L’Union europĂ©enne signe le traitĂ© d’Amsterdam qui reconnaĂ®t Ă©galement l’animal comme « un ĂŞtre sensible » et exige la prise en compte de son bien-ĂŞtre dans les domaines de l’agriculture, des transports, du marchĂ© intĂ©rieur et de la recherche.

2015 : le Code civil est à la traîne

Jusque-lĂ , le Code civil considĂ©rait toujours l’animal comme un meuble. C’est-Ă -dire qu’il classait les chiens aux cĂ´tĂ©s des torchons, des tables ou des chaises, et ne leur octroyait pas plus de droits. Mais le 16 fĂ©vrier 2015, une loi est votĂ©e : le Code civil reconnaĂ®t enfin l’animal comme « un ĂŞtre vivant douĂ© de sensibilité ». Une rĂ©volution ? Pas si sĂ»r… Voyons-voir ce que cela implique rĂ©ellement pour les droits des chiens.

chien meuble
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Le statut juridique actuel du chien

Les chiens sont toujours des biens

Le droit français classe tout en 2 catégories :

  • Les personnes : elles sont sujets de droit. Cela signifie qu’elles ont des droits (droit Ă  la vie, droit de disposer de leur corps, de possĂ©der des choses, d’ĂŞtre en sĂ©curitĂ©, d’hĂ©riter de l’argent…).

  • Les biens : ils sont objets de droit. Cela signifie qu’on a des droits sur eux (comme le droit de les possĂ©der par exemple).

Eh bien, la loi considère toujours que les chiens sont des biens. Avant 2015, ils faisaient partie des biens « meubles », mais depuis 2015 une nouvelle sous-catĂ©gorie de biens a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e pour eux. Ils sont Ă  prĂ©sent sĂ©parĂ©s des « meubles », mais ils restent soumis au rĂ©gime des biens. On a des droits sur eux, mais eux n’ont pas de droits. Cette modification de la loi semble donc plus symbolique qu’autre chose car elle ne change rien aux droits des animaux, elle change uniquement leur appellation.

Toutefois ce ne sont pas des biens lambda mais des biens protégés

Toute une série de mesures les différencient des autres biens :

  • Les Codes civil et rural qualifient le chien d’ĂŞtre « sensible« .

  • Le Code pĂ©nal sanctionne les sĂ©vices sur les animaux.

  • Le Code civil prend en compte l’attachement d’une personne Ă  son animal. Si vous perdez votre chien Ă  cause de quelqu’un d’autre, vous pouvez invoquer le « prĂ©judice moral » et « matĂ©riel » devant la cour. Ça n’est pas le cas pour les autres biens oĂą seul « le prĂ©judice matĂ©riel » sera acceptĂ©.

loi
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Les perspectives pour l’avenir

La protection animale paraît donc encore bien faible. La catégorie des biens semble peu respectueuse et profondément inappropriée pour des êtres vivants. On peut donc se demander quelle direction prendre pour améliorer la situation. Il en existe plusieurs.

Certains prĂ´nent de crĂ©er une 3ème catĂ©gorie spĂ©cialement pour les animaux. Il y aurait donc : les personnes, les biens et les animaux. C’est d’ailleurs dĂ©jĂ  le cas dans de nombreux pays europĂ©ens tels que la Suisse ou l’Allemagne. D’autres prĂ´nent une solution plus radicale : intĂ©grer les animaux dans la catĂ©gorie des personnes et leur donner la personnalitĂ© juridique.

Qui sait ce que l’avenir nous rĂ©serve… Le Descartes du 17ème siècle n’aurait jamais imaginĂ© que 400 ans plus tard son « animal-machine » se serait transformĂ© en « être vivant douĂ© de sensibilité ». Cependant, il nous reste encore beaucoup de chemin Ă  parcourir. Et nos dĂ©cisions en diront long sur nous, car comme le dit si bien la cĂ©lèbre citation :

On reconnaĂ®t le degrĂ© de civilisation d’un peuple Ă  la manière dont il traite ses animaux

– Gandhi.

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Rédigé par Dr. Grégoire, vétérinaire

Docteur en Médecine Vétérinaire, je suis avide d’apprendre et passionnée par le monde animalier. C’est avec grand plaisir que je partage avec vous ce que j’ai pu découvrir au cours de mon chemin !